CHRONOLOGIE D'UNE
MORT ANNONCÉE (à travers 3 exemples) :
L'AÉROSTATION PROFESSIONNELLE
18.12.89 : Premier contrôle fiscal d'une entreprise "AA" spécialisée
dans l'exploitation des montgolfières.
Le
contrôleur des services fiscaux de Besançon s'appuie sur la doctrine de LA
VERPILLERE (AN 22 oct. 1975/2 7180
N°89) pour accepter le taux de TVA réduit (5,5%) pour les vols de passagers et
pour formuler sa réponse aux observations du contribuable, à savoir : "
Concernant le transport aérien de
voyageurs, le taux réduit s'applique aux transports effectués à la demande
lorsqu'ils sont réalisés dans le cadre de véritables contrats de
transports ; les personnes effectuant les transports commerciaux doivent
avoir été habilitées par un arrêté d'autorisation délivré conformément
aux dispositions de l'article L 330-1 du code de l'aviation civile. Il s'avère
que vous ne remplissez aucune de ces conditions…"
Remarque : Cette doctrine était suffisamment libérale pour que le taux réduit de 5,5 % soit également réservé aux exploitants de taxis, et même de remontées mécaniques, voire aux exploitants d'ambulances, embaumeurs et services de pompes funèbres… Dans le même sens le 02.03.90, le Ministre des finances répondait à un parlementaire, à propos d'un litige qui opposait l'administration fiscale aux activités de croisière fluviale : " …Il est admis que les entreprises de croisières fluviales puissent soumettre au taux réduit de la TVA la prestation relative au transport ".
18.10.90 : Au vu de l'ambiguïté sur le taux de TVA réduit d'une part, et de la
spécificité de son activité d'autre part, la Société "PB"
sollicite à son centre des impôts un éclairage ; dans le cadre d'un
rescrit fiscal (LR/AR), le
centre des impôts de Clermont (60) apporte la réponse suivante :
" Suivant l'article 279
du CGI, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de
5,5% en ce qui concerne les transports de voyageurs. La documentation
administrative précise que le taux
réduit s'applique à tous les transports de voyageurs quel que soit le
mode de transport utilisé. De
plus, selon la réponse de la Verpillère, il ressort que le taux réduit de la
TVA bénéficie notamment aux transports effectués par voie aérienne à
la demande ou à l'occasion de liaisons régulières lorsqu'ils sont réalisés
dans le cadre de véritables contrats de transports. Ainsi nous pouvons conclure
que sur le transport public de voyageurs en montgolfière, la TVA est perçue au
taux de 5,5 % si ces transports sont réalisés dans le cadre de véritables
contrats de transports. A défaut le taux de 18,6 % est applicable. Je vous prie
d'agréer…" .
11.12.91 : La CAA de Nantes rend un arrêt favorable pour la récupération de
TVA sur une montgolfière au regard
de l'article 237 du CGI. Le Ministère des Finances porte ce différend devant
le Conseil d'Etat…
27.11.92 : La Société "A" est redressée au regard de la "non récupération"
de la TVA sur les montgolfières. …suite au 01.07.95…
24.11.92 : Réunion avec les services fiscaux de Reims, siège de notre syndicat,
le SNPPA. Pas de réponse
de
la part des services fiscaux…
17.09.93 : Avis de vérification de comptabilité sur les exercices
90, 91 et 92 de la Société "PB".
19.10.93 : Demande d'information des services fiscaux de Besançon sur la nature
des opérations de l'entreprise "AA" : " S'agissant des transports commerciaux, bien vouloir joindre une
copie de l'arrêté d'autorisation délivré en application des dispositions de
l'article L.330.1 du code de l'Aviation Civile. Je vous
prie de me faire connaître s'il s'agit de liaisons régulières
et si vous délivrez des billets de transport.
Par
ailleurs, je vous serais reconnaissante de bien vouloir m'indiquer la nature
exacte de votre activité actuelle…"
08.11.93 : Notification de redressements de la Société "PB" au regard
de l'art. 237 CGI (récupération de TVA) ; aucune contestation sur le taux de
TVA à 5,5% (dans le cadre d'une 4e
société "BBA" c'est une position similaire qui avait été également
admise par l'administration fiscale de Beaune
de 1985 à 1995 sous réserve de séparer le prix des repas de celui des
voyages en ballons…).
29.12.93 : Confirmation du Ministère de l'Intérieur autorisant, sur le
sol français, les entreprises étrangères à transporter des passagers avec
leurs montgolfières immatriculées ailleurs qu'en France… Aucune réglementation
en l'espèce.
28.01.94 : Prise de position officielle du Ministère des Transports confirmant
que le transport de passagers à titre payant au moyen d'aérostats rentre bien
dans le champ d'application, non pas de simple transport, mais bel et bien de transport
aérien public. Cette position est confirmée par le Ministre des
transports au J.O. du 25.04.1994.
02.11.94 : Réponse du Ministre des Finances à un parlementaire pour éclaircir la situation des professionnels de l'aérostation : " J'ai pris bonne note de votre intervention et, afin de vous être agréable, demandé qu'elle fasse l'objet d'un examen particulièrement attentif, dans le respect des règles et procédures en vigueur. Je me dois cependant de vous rappeler que la nécessité de me tenir directement informé de ce dossier qui vous tient à cœur révèle naturellement sa vive complexité, entraînant d'assez longs délais indispensables à une étude sérieuse et approfondie…"
21.12.94 : Le Conseil d'Etat
confirme la position de la CAA de Nantes (affaire Soger) et précise,
" Que
du fait de ses caractéristiques, notamment
liées à ses conditions de manœuvre, la montgolfière ne peut être
regardée comme un véhicule ou un engin de transport de personnes !!!
"
Il faut préciser que toutes les montgolfières ont exactement les mêmes caractéristiques de manœuvre que celle citée précédemment ; la montgolfière "Soger" était de marque CAMERON, type N77 avec les mêmes conditions de navigabilité et de réception par les services techniques de la DGAC ou du GSAC. Cette décision ne fait qu'embrouiller un peu plus l'incohérence dans laquelle est plongée l'aérostation professionnelle…
01.07.95 : La Société "A" dépose son bilan pour une période de 6
mois d'observation…Redressement !!!
…suite
au 02.01.96.
26.12.95 : Le Secrétaire d'Etat aux transports, s'adresse à l'administration
fiscale, confirme la qualité de transporteurs aériens publics des opérateurs
français dont l'activité est liée aux déplacements en montgolfières. Il
fait remarquer le manque de cadrage légal, en attendant la parution d'un
projet de Loi relatif aux transports de cette activité. Il précise néanmoins
que les entreprises qui en ont fait la demande ont obtenu un agrément à titre
discrétionnaire…
26.12.95 : Un arrêté est délivré à l'entreprise "AA" portant
octroi d'autorisation et agrément conformément aux dispositions de l'Art
L330.1 et suivants du code de l'Aviation Civile en matière de transport public.
(Il s'agit du deuxième agrément accordé en France).
02.01.96 : La société "A" voit dans le cadre de son redressement, sa
dette fiscale maintenue et intégrée au plan de continuation de dix ans ordonné
par le Tribunal de Commerce de Colmar.
06.02.96 : Audience du SNPPA (2
heures) auprès du Ministre des
transports et de son directeur de cabinet.
25.01.97 : Suite à une émission
sur TF1 "le Monde de Léa", le SNPPA intervient, par la voie
parlementaire, auprès de Jacques Pelletier, Médiateur de la République. Réponse
de politesse au parlementaire mais pas de suite à donner sur le fond.
06.02.97 : demande de constitution de garanties envers la Société
"PB". 15 jours de délai…suite au contrôle fiscal du 17.09.93…
02.06.97 : requête et saisie du Tribunal Administratif d'Amiens par la Société
"PB".
31.01.98 : Notification de redressement de la société "A" pour les
exercices 95, 96, 97 portant sur le taux à 5.5 %.
15.12.98 : Nouvelle notification de redressement de l'entreprise "AA"
pour l'exercice 94.
16.04.99 : Nouvel avis de contrôle sur 95, 96, 97 et 98 de l'entreprise
"AA". (fin d'exercice au 30 juin)
05.10.99 : Requête et saisie du Tribunal Administratif de Dijon par l'entreprise
"AA".
05.06.00 : Provision de la dette fiscale de l'entreprise "AA" en hypothéquant
le parc de montgolfières, plus une provision financière de 55 000 F.
15.06.00 : Sollicité par le SNPPA le Ministre des Transports intervient auprès
du Ministre des Finances.
15.12.00 : Réponse de la Secrétaire d'Etat aux Finances au Ministre des
transports (réponse communiquée au SNPPA,
le 04.01.2001).
04.01.01 : Le Tribunal Administratif de
Dijon juge le contentieux fiscal de La Société "AA" ; la réflexion
porte notamment sur les nuances entre les mots "transport de PERSONNES"
et "transport de VOYAGEURS" d'une part et la définition du CONTRAT
DE TRANSPORT d'autre part.
Remarques : Le Ministère des transports cite également la notion de "transport de PASSAGERS"… Y aurait-il pour "Bercy" deux agréments différents : le transport aérien public de personnes d'une part et le transport aérien public de voyageurs d'autre part alors que dans le même temps le Ministère de Transports délivre des agréments de transport aérien public de passagers quelque soit le mode de transport utilisé (cf. doctrine Verpillère) ? La directive communautaire évoque quant à elle la notion de transports de personnes...
Il est difficile de demander aux professionnels de l'aérostation autant de compétences : celle de commercialiser, piloter leurs montgolfières, gérer et développer leur entreprise… et dans le même temps connaître les nuances, les interprétations unilatérales du Code Général des Impôts avec toute sa dialectique…
15.01.01 : Dépôt de plainte par le SNPPA auprès de la Commission des Communautés
Européennes pour non-respect du droit communautaire.
31.01.01 : Expédition du jugement rendu par le tribunal administratif de Dijon
à l'encontre de l'entreprise "AA". (jugement du 04.01.01)
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'entreprise "AA" exploite plusieurs aérostats, dont neuf montgolfières, un ballon à gaz et un dirigeable, pour le travail aérien, le tournage de films, l'école, la location à des fins touristiques, promotionnelles ou de communication ; que si l'entreprise "AA" soutient qu'il exerce une activité d'organisateur de voyages, les prestations d'aérostation qu'il fournit ne peuvent être regardées comme des "transports de voyageurs" au sens de l'article 279 b quatre du CGI, dès lorsque les clients qui utilisent les montgolfières et autres aérostats mis à leur disposition le font, non en vue de se déplacer d'un point d'origine du territoire à un point de destination prédéterminé, mais pour accéder à l'espace aérien à des fins touristiques et d'agrément, de publicité, de communication ou de tournage.
Considérant
notamment que les activités d'aérostation de l'entreprise
"AA" seraient qualifiables d'activités de transport aérien, au sens
de l'aviation civile est, sans même qu'il soit besoin de s'interroger sur le
caractère légal de ces activités au regard des dispositions du même code,
sans incidence sur la qualification, au regard des dispositions
de l'article 279 du code générale des impôts, des prestations fournies
contre rémunération par l'entreprise "AA" au moyen de ses aérostats
à des fins autres que le voyage d'un point d'origine à une point de
destination, lesquelles, comme le Tribunal l'a précisé ci-dessus, ne sont
pas des transports de voyageurs.
31.01.01 : Les statistiques 2000
relatives aux recettes touristiques mondiales viennent d'être publiées… plus
de 4,5 % d'augmentation par rapport à 1999. La France est restée la première
destination touristique mondiale avec un peu moins de 75 millions de
visiteurs…
A la date du 31 janvier 2001, 7 entreprises (dont les 3 plus gros opérateurs
français) sont en contentieux avec l'administration fiscale dont certaines
depuis plus de 10 ans.
Ces entreprises, actuellement asphyxiées par les interminables procédures,
vont demain être mises à mort. Aucune infraction fiscale, aucune fraude ne
leur sont reprochées ; elles ont seulement tenté de comprendre un impossible
discours réglementaire, juridique et politique…
Le S N P P A